L’inquiétante métamorphose du quotidien : un frémissement derrière les voilages

Publié le 5 août 2025

Parfois, le banal se pare soudain d'une aura troublante. Ce matin-là, une ombre fugitive entre les rideaux a suffi à ébranler mes certitudes, comme si l'inexplicable cherchait à m'atteindre.

À 55 ans, j’ai choisi la solitude comme refuge, dans cet appartement où chaque détail me semblait familier. Une routine apaisante, immuable, où chaque geste – comme savourer mon café du matin dans cette tasse qui ne me quitte jamais – affirmait mon quotidien sans surprise.

Pourtant, ce matin-là, alors que je respirais à pleins poumons l’odeur réconfortante de l’arabica, les rideaux bordeaux ont tremblé d’une manière inhabituelle. Pas à cause du vent. Plutôt comme si une main invisible les avait effleurés. Et cette voix…

Un murmure qui m’a glacé les veines

« N’aie pas peur… », a-t-elle chuchoté, si près de mon oreille que mon cœur s’est arrêté net. Mes muscles se sont figés. Simple produit de mon imagination ? Pourtant, les rideaux bougeaient à nouveau, dessinant le contour évanescent d’une forme humaine. Ma tasse a vacillé dans mes mains tremblantes lorsque j’ai osé soulever le tissu.

Rien.

Seule cette sensation persistante d’un regard invisible posé sur moi. Comme si les molécules d’air gardaient l’empreinte d’un passage récent.

Le carnet aux souvenirs enterrés

Il était là, sur le canapé, un journal à la reliure usée. Je ne l’avais jamais vu auparavant. En l’ouvrant, une photo jaunie s’en est échappée : moi, vingt ans à peine, serrant contre ma poitrine un nouveau-né. Claire. Ce prénom a résonné comme un appel lointain. La date inscrite au dos – 17 août 1981 – a ravivé une douleur ancienne.

Comment continuer à nier l’évidence ? J’ai toujours affirmé n’avoir jamais eu d’enfant.

Et si toute mon existence n’était qu’une vaste illusion ?

Ces cauchemars qui étaient en réalité des souvenirs

Depuis des semaines, je fuyais ces rêves récurrents : une chambre aux murs pastel, une menotte cherchant désespérément la mienne, et cette voix déchirante : « Maman… ». Je les mettais sur le compte du surmenage. Mais cette photographie… Ces détails trop précis…

Des fragments de mémoire émergent : une salle d’hôpital aseptisée, des cris étouffés, des bras inconnus qui m’arrachait à cette petite chaleur vivante. Mon ventre se contracte. Ai-je sciemment enfoui cette partie de mon histoire ?

La présence qui flotte entre réalité et fantasme

À cet instant précis, un froissement. Les rideaux ondulent, bien que la fenêtre soit hermétiquement close. Je reste pétrifiée. Mon souffle se bloque. L’air semble chargé d’une énergie presque tangible.

Réel ? Imaginaire ? Peu importe. Ce matin a fissuré le vernis de ma réalité. Et derrière cette brèche, quelque chose – ou quelqu’un – guette patiemment son heure.

Parfois, les fantômes ne peuplent pas nos maisons, mais les labyrinthes de notre propre esprit.