Une photographie familiale de 1892 révèle un détail troublant
Une vieille photographie, prise à Puebla au Mexique en mars 1892, a longtemps été perçue comme une simple scène de tendresse familiale. Pourtant, en y regardant de plus près, elle dévoile une histoire tragique et un mystère captivant pour les historiens.
Un cliché d’une autre époque

À première vue, cette photographie pourrait passer inaperçue parmi les nombreux portraits du XIXe siècle. La tenue vestimentaire reflète fidèlement les styles de l’époque : une robe sombre à col montant, des dentelles délicates, et de petits chaussons blancs. Catalina Ruiz de Herrera, la mère sur la photo, appartenait à une famille prospère de Puebla. Mariée à Don Felipe Herrera, un marchand prospère, elle était l’image même de la respectabilité d’une bourgeoisie locale attachée à ses traditions. Ce portrait a été immortalisé par Don Abundio Cortés, un photographe renommé pour sa maîtrise des portraits et de l’éclairage naturel.
Cependant, un examen attentif du cliché révèle une anomalie. Le regard de Catalina semble perdu, oscillant entre la tendresse et l’absence. Quant aux jumeaux, Ana Lucía et José Miguel, ils paraissent curieusement immobiles. Cette impression, relevée par plusieurs chercheurs, pourrait être attribuée aux longs temps de pose de l’époque, nécessitant une immobilité totale. Pourtant, certains y voient un présage symbolique, un reflet du destin tragique qui allait frapper cette famille.
Une mère éprouvée
Quelques mois avant la prise de cette photographie, Catalina avait donné naissance à ses jumeaux au terme d’un accouchement difficile. Les archives indiquent qu’elle était profondément affaiblie, tant physiquement que moralement. À l’époque, le terme de « mélancolie maternelle » était utilisé dans les journaux médicaux pour décrire ce que l’on appelle aujourd’hui la dépression post-partum. À une époque où les troubles mentaux étaient mal compris et souvent tus, les femmes souffrant de ces maux étaient souvent isolées.
Son mari, Felipe, bien que préoccupé, était absorbé par son commerce et avait engagé plusieurs domestiques pour l’assister. Les témoignages de l’époque décrivent une jeune mère parfois distraite, perdue dans ses pensées. Cela ne semblait pas alarmant selon les critères de l’époque, où l’on évoquait simplement une « fatigue nerveuse ». Mais les événements qui suivirent allaient dévoiler un drame humain que la science de l’époque ne pouvait expliquer.
Le mystère derrière l’image

Trois mois après que la photo ait été prise, la famille Herrera fut frappée par une tragédie dont les circonstances restent floues. Les archives judiciaires, les articles de presse et les récits oraux divergent, mais tous font état d’une nuit de juin 1892 qui bouleversa Puebla. Était-ce un accident domestique ? Une disparition inexpliquée ? Les versions varient, et aucune ne permet de trancher.
Quand Don Abundio remit les plaques originales aux archives des années plus tard, la rumeur s’amplifia : certains prétendaient que les bébés paraissaient trop calmes, presque figés, comme si la photographie avait capturé plus que la vie. D’autres, plus pragmatiques, rappelaient que la technique photographique de l’époque exigeait une immobilité absolue. Le débat perdure aujourd’hui entre passionnés et historiens.
Une empreinte silencieuse du passé
Ce portrait, désormais exposé au musée historique de Puebla, continue de captiver par son contraste entre ombre et lumière. Il illustre à la fois la beauté fragile d’une mère et de ses enfants, et le poids invisible de son époque : celui des normes sociales, du silence autour de la souffrance féminine, et du regard figé d’une société sur la maternité.
Les visiteurs rapportent qu’en contemplant ce cliché, ils ressentent une émotion particulière — un mélange de douceur et de malaise. Peut-être parce qu’il nous rappelle que chaque image ancienne, aussi simple soit-elle, contient mille histoires : celles que l’on a racontées, celles que l’on a tues, et celles que l’on devine dans un regard.
Plus d’un siècle plus tard, la photo de Catalina Ruiz et de ses jumeaux continue d’émouvoir. Non pour la tragédie qu’elle évoque, mais parce qu’elle nous invite à regarder au-delà de l’image : à comprendre les silences, les fragilités, et la part d’humanité que le temps n’efface jamais.
